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C'est pas mon idée !

jeudi 11 septembre 2014

Apple Pay : c'est tout ?

Apple Pay
Cette fois était donc la bonne ! Après des années de rumeurs régulièrement démenties, Apple a finalement présenté sa solution de paiement mobile ce mardi 9 septembre 2014. La première vague d'enthousiasme étant maintenant passée, tentons d'analyser ce nouveau porte-monnaie mobile sous un angle un peu plus critique…

Présentation

Apple Pay concrétise enfin ce que tout le monde espérait en 2012, quand la marque à la pomme dévoilait son application Passbook. Jusqu'à maintenant, celle-ci ne prenait en charge que les coupons promotionnels, cartes de fidélité et autres billets de transport ou de spectacle, elle enregistre dorénavant les cartes de paiement. Les utilisateurs actuels y retrouveront immédiatement les cartes associées à leur compte iTunes, auxquels ils pourront en ajouter d'autres, simplement en les prenant en photo.

Ainsi chargée, la nouvelle version de Passbook permettra de réaliser des paiements en boutique et dans les applications mobiles. Dans le premier cas, une puce NFC intégrée au téléphone – accompagnée d'un « élément de sécurité » destiné à protéger les informations sensibles – gère les transactions. En pratique, le consommateur approche son appareil du terminal de paiement sans contact pour ouvrir le porte-monnaie et valide l'opération par un passage du doigt sur le bouton de l'iPhone, pour une authentification (« Touch ID ») par empreinte digitale.

Dans le cas des achats dans les applications mobiles (à l'exclusion des achats de biens virtuels, pour lesquels le modèle « in-app » existant reste la norme), la procédure est tout aussi simple : après avoir choisi le mode de règlement, les informations de contact et de livraison sont automatiquement renseignées et le mobinaute n'a qu'à passer son doigt sur le lecteur Touch ID pour confirmer son paiement.

Tel que décrit jusqu'ici, Apple Pay ne sera proposé qu'aux propriétaires d'iPhone 6 et 6 Plus, seuls équipés des composants nécessaires. Les personnes qui ont un modèle plus ancien (pas trop, tout de même) pourront néanmoins profiter du paiement mobile grâce à la montre Apple Watch. Avec celle-ci, qui ne dispose (évidemment) pas d'un lecteur d'empreinte digitale, la sécurité sera assurée – plus classiquement – par un code PIN, à ne saisir qu'une fois tant que la montre reste en contact avec la peau du porteur.

Du bon…

La première réaction à la démonstration d'une transaction réalisé avec Apple Pay est un soulagement : comme on pouvait légitimement l'attendre de la part d'Apple, l'expérience utilisateur du paiement sans contact sur mobile est enfin simple, rapide et transparente. Les acteurs qui nous vantaient depuis des années la facilité d'usage de leurs solutions vont peut-être commencer à prendre la mesure de ce que cette promesse implique et retourner à leurs études…

Autre point extrêmement positif, la sécurité de l'ensemble du cycle de paiement est prise très au sérieux. Ainsi, les données sensibles (références des cartes) ne sont pas stockées sur le téléphone ni transmises au commerçant. Seul un identifiant (« token »), associé au matériel et résiliable à tout moment (notamment en cas de vol ou de perte de l'appareil), est conservé dans l'élément de sécurité et échangé avec les terminaux des marchands. De plus, chaque transaction est protégée par un code à usage unique.

Naturellement, et en dépit des risques résiduels de la biométrie, l'utilisation de Touch ID est aussi un facteur de renforcement de la sécurité. Face aux récentes grandes affaires de détournements de données (par exemple chez Target), la réponse apportée est particulièrement complète, puisqu'elle cible tous les points de faiblesse potentiels : le porte-monnaie mobile, le consommateur, le terminal de paiement et le marchand. Même Apple se protège de tout danger interne, en ne manipulant aucune information sensible.

Paiement avec Apple Pay

…Des doutes…

En attendant le déploiement effectif d'Apple Pay, prévu en octobre, il reste quelques zones d'ombre dans ce qui a été présenté. En premier lieu, il faudra vérifier si la qualité de l'expérience utilisateur est aussi bonne qu'espéré. Parmi les « couacs » possibles, on ne peut éviter de mentionner les retours mitigés des utilisateurs actuels de Touch ID (la reconnaissance de l'empreinte digitale ne serait pas toujours parfaite). Autre incertitude, l'utilisation d'une code à usage unique pour chaque paiement peut laisser supposer un besoin de connexion au réseau, susceptible d'être source de frustrations.

Dans un tout autre registre, la grosse déception de l'annonce est que, au moins dans un premier temps, la solution ne sera disponible qu'aux États-Unis. Visa laisserait entendre qu'elle pourrait arriver en Europe en 2015 mais rien ne l'assure. D'autant plus que – selon toutes les apparences – le modèle commercial retenu passe par des accords avec les banques (seules une poignées d'entre elles sont embarquées, pour l'instant). Vue la réactivité légendaire de ces dernières, la généralisation au reste du monde pourrait être douloureusement longue…

Enfin, il reste également une petite inquiétude technique, habituelle dès qu'il est question de paiement sans contact. Avec toutes les nouveautés qu'Apple introduit (dont la « tokenisation » et le code de validation à usage unique), est-on certain que les terminaux NFC déjà déployés chez les commerçants seront compatibles ? Pour les américains qui entament la transition vers le standard EMV, le renouvellement obligatoire du parc est une coïncidence « heureuse », mais qu'en sera-t-il ailleurs ?

…Et du moins bon

Dans le registre des francs regrets, il faut aborder la question du modèle économique : Apple affirme ne pas capturer ni, a fortiori, utiliser les données des achats réalisés avec son système. Tant mieux pour la protection de la vie privée mais, si la firme n'est pas soudain devenue philanthropique (et elle aura des coûts à assumer, ne serait-ce que pour le support et le service aux clients), elle devra se rémunérer sur les transactions, comme un simple processeur de paiements. Un nouvel acteur va donc s'introduire dans la (déjà longue) chaîne de traitement.

Étant donné que le service n'est pas directement facturé aux commerçants ni aux consommateurs, la marge va nécessairement être prélevée sur les commissions d'un autre intervenant. Peut-être est-ce là la raison des accords passés avec les banques et peut-être les négociations portent-elles sur le transfert de risque que permettrait le niveau de sécurité élevé de la solution. On peut tout de même s'inquiéter de voir les tarifs de l'un des partenaires d'Apple Pay (First Data) : à 2,9% et 30¢ par transaction, la facture semble salée et peut-être pas si transparente pour les marchands.

D'autre part, et de manière générale, les commerçants sont largement ignorés, à ce stade. Quelques grandes chaînes de distribution sont associés à l'initiative mais, pour l'essentiel, Apple compte sur un déploiement « naturel » des terminaux NFC acceptant les paiements sans contact. Il aurait pourtant été tellement plus intéressant de la voir développer une approche globale, qui combine le porte-monnaie mobile avec un terminal d'encaissement sur iPad, afin de proposer une expérience client intégrée véritablement révolutionnaire…

Conclusion (provisoire)

La première conclusion de cette analyse, c'est qu'une ère s'est définitivement refermée dans la vie d'Apple. La marque ne parvient plus à nous offrir une nouvelle vision, elle redevient un peu une entreprise comme les autres. En l'occurrence, au lieu de réinventer le paiement via mobile (comme tout le monde l'espérait), elle se contente de partir de l'existant et d'en résoudre les problèmes apparents (l'expérience utilisateur restant une de ses forces). Quand Tim Cook dit qu'il veut éradiquer la carte de crédit, il ne pense qu'au morceau de plastique et non à l'écosystème dans son ensemble…

Après le semi-échec – ou succès en demi-teinte pour les plus optimistes – de Passbook, l'apport de valeur d'Apple avec le paiement sur mobile paraît bien modeste pour stimuler l'engouement des consommateurs : la facilité d'utilisation est plus à considérer ici comme la levée d'un frein que comme un argument de séduction et les détails pratiques des mécanismes de sécurité ne concernent pas le grand public. Comme les utilisateurs potentiels continueront à utiliser leurs cartes chez les commerçants n'ayant pas modernisé leur équipement, leurs habitudes seront difficiles à faire évoluer…

Quant à savoir si – plus globalement – Apple Pay sera l'électrochoc salutaire du paiement sans contact sur mobile, il est certainement trop tôt pour le dire. En tout état de cause, si cela devait être le cas, le revirement ne serait pas totalement rationnel, puisque l'iPhone 6 et son porte-monnaie mobile ne concerneront (pour longtemps, vu son prix) qu'une part de marché limitée, objectivement insuffisante pour le justifier. Mais la magie de l'influence peut (encore une fois !) produire son effet, surtout si les autres acteurs se laissent convaincre de l'urgence qu'il y aurait à suivre le mouvement.

Apple Pay sur iPhone

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